Homélies

Dimanche 16 août 2020-20ème dimanche ordinaire - A

Frères et sœurs, Tyr et Sidon, dont nous parle Jésus, c’est le monde païen. Dans la tradition biblique, le Messie est censé n’être envoyé qu’à la Maison d’Israël. Au-delà de ses propos volontairement provocateurs, Jésus, en accueillant la Cananéenne, ouvre l’Evangile à tout homme de bonne volonté.  « Ma maison s’appellera ‘Maison de prière pour tous les peuples’ ». Ce qu’Isaïe annonce, Jésus vient l'accomplir : l’épreuve à laquelle il soumet la Cananéenne ne fait que souligner la nouveauté de son attitude : « Femme, ta foi est grande, que tout se passe pour toi comme tu le veux ». Vous connaissez peut-être cette prière du matin de tout juif pieux : « Béni sois-tu, seigneur, de ne m'avoir fait ni esclave, ni païen, ni femme, mais juif et homme libre » car ni les païens, ni les esclaves, ni les femmes n'avaient accès à la citoyenneté de plein droit du Peuple de Dieu. En quelque sorte, cette Cananéenne cumule tous les obstacles. Désormais la circoncision réservée par définition aux hommes fait place au Baptême : les esclaves, les païens, les femmes, les étrangers, tout être humain peut devenir par le Baptême membre du Peuple de Dieu. Avec Jésus, des femmes comme la Cananéenne, des païens comme le centurion, des collabos comme Zachée, et même des prostituées deviennent, en se convertissant, membres de plein droit du peuple de Dieu. Mais aussi, des hommes et des femmes de la classe dirigeante, des hommes pieux, des pharisiens comme Nathanaël ou Paul. La condition étant toujours la même, celle de se convertir. Belle vocation de l’Eglise catholique qui doit accueillir en son sein, non pas dans l'uniformité, mais dans l'unité, dans la communion, toutes nos différences, nos limites et nos richesses, nos conversions. L’Evangile est pour tous et doit être vécu dans le concret de nos vies.

C’est sous cet éclairage-là que je voudrais dire deux mots sur Mgr François Mathurin Gourvès qui fut notre évêque de 1991 à 2005 et qui vient de nous quitter. D’un caractère fort, ces 14 années d’épiscopat furent marquées, en particulier, par deux lettres pastorales importantes qui nous rappellent ses origines rurales et bretonnes dont il était fier. Et c’est bien de l’évoquer dans le cadre de ce pardon. 

Une première lettre pastorale s’adressait à ceux et celles qui travaillent dans l’agroalimentaire afin d’aider à l’amélioration des conditions de travail dans le secteur « porcs et volailles ». Il voulait montrer que l’Eglise (c’est-à-dire tous les chrétiens) doivent se soucier de la vie concrète des gens et en particulier de leurs conditions de travail surtout lorsqu’elles sont difficiles. La foi ne peut être désincarnée. Jésus rejoint la Cananéenne dans sa vie de tous les jours. 

Une seconde lettre pastorale fut consacrée au renouveau de la culture bretonne et au défi pastoral pour notre Eglise. Le breton était sa langue maternelle. Comme évêque, il avait conscience de sa responsabilité. Nous sommes à un pardon. C’est une tradition qui remonte très loin dans le temps. En s’adressant à la Cananéenne, Jésus s’adresse à une femme qui fait partie d’un autre peuple, avec une autre culture, une autre histoire. La foi ne peut être déracinée. Célébrer un pardon, c’est faire corps avec notre histoire, notre culture, tous ceux qui nous ont précédés, de façon ouverte. 

Je crois que c’est cela que notre ancien évêque voulait nous dire, et que Jésus ne démentit pas dans sa rencontre avec la Cananéenne : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »                             P. Gwenaël Maurey

 

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