Excellence Mgr Raymond Centène, évêque du diocèse de Vannes,
Excellences nosseigneurs les évêques de Bretagne,
Chers pères concélébrants,
Chers religieux et religieuses,
Chers fils et filles bien–aimés de Dieu,
Chers pèlerins venus de près ou de loin,
« Heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles
entendent ! » C’est par ces paroles de l’Evangile de ce jour que je voudrais
commencer cette homélie. Oui, je bénis le Seigneur et je lui rends grâce, lui
qui me donne de revenir comme pèlerin dans ce sanctuaire dédié à Sainte
Anne. Oui, le Seigneur me donne de voir ce que vous voyez et d’entendre ce
que vous entendez. Je rends grâce au Seigneur pour la prévenance de Mgr
Raymond Centène, évêque de ce diocèse, qui m’a invité pendant son séjour
dans mon diocèse de Porto-Novo au Bénin, il y a maintenant huit mois, à
partager votre bonheur de voir et d’entendre en prenant part au pèlerinage
annuel du Grand Pardon. L’occasion m’est gracieusement offerte de venir
moi-même en ces lieux pour inaugurer et consolider par l’intercession de
Sainte Anne les liens de coopération missionnaire. Je suis honoré d’être reçu
à l’occasion de ce Grand Pardon et d’avoir la grâce d’entendre et d’accueillir
la réponse positive de Mgr Raymond Centène et de son Conseil à notre
proposition de mettre en place une Convention Fidei Donum entre nos deux
diocèses frères dès la prochaine rentrée pastorale de Septembre.
Faut-il le rappeler ? Le Bénin est un petit pays de l’Afrique de l’Ouest d’une superficie de 114 000 kmÇ avec une population de plus de dix millions d’habitants dont 35% de chrétiens toutes tendances confondues.
L’Eglise au Bénin compte dix diocèses dont celui de Porto-Novo au sud-est
avec plus d’un million d’habitants, 40% de chrétiens et 85 paroisses
desservies par 180 prêtres sur les 260 incardinés dans le diocèse. L’Evangile
vient d’être chanté en goun, une des trois langues liturgiques du diocèse de
Porto-Novo.
Il a plu au Seigneur de nous donner l’insigne grâce de nous
rencontrer aujourd’hui, chers pèlerins, pour communier ensemble dans
l’écoute de la parole de Dieu, dans la fréquentation des sacrements
notamment l’eucharistie et la réconciliation puisque le Grand Pardon
s’inscrit dans une demande pénitentielle, dans la prière et l’action de grâce.
Et comme il s’agit d’un Pardon, nombre d’entre vous, chers pèlerins, ont
sollicité la réconciliation avec le Seigneur et avec leurs frères et soeurs dans
le sacrement de pénitence. Oui, heureux sommes-nous de le voir et de
l’entendre !
Être pèlerin, en effet, c’est marcher à la suite de Jésus en écoutant
sa parole comme les pèlerins d’Emmaüs dans l’Evangile de saint Luc (24, 11- 35). Notre Grand Pardon aujourd’hui est marqué par les quatre verbes que sont : partir, cheminer, demeurer, repartir. Le Grand Pardon est un temps
d’écoute et de méditation de la parole de Dieu. En vous voyant si nombreux,
je pense à la parabole du semeur que nous avons entendue dans nos Eglises mercredi dernier (cf. Mt 13, 1-23). Je vous vois comme un champ immense sur lequel tombe, en guise de semence, la Parole de Jésus et sa bénédiction par l’intercession de Sainte Anne. Et bien évidemment, ici à Sainte Anne d’Auray, il n’est nullement possible de se tromper sur l’identité du semeur de la Parole. Marie, la fille d’Anne et de Joachim, Marie, la mère de Jésus et notre mère à tous, nous désigne en permanence le semeur de la Parole qu’est son Fils : « Faites tout ce qu’il vous dira », nous dit-elle dans l’Evangile de Jean (Jn 2). C’est lui Jésus, le Semeur dont la Parole est inlassablement jetée comme semence et répandue avec largesse sur le champ que nous sommes, pour que sa vie y prenne racine et que nous devenions sa sainte moisson. Et que sème en nous justement le semeur par excellence dans la liturgie de la Parole de ce jour ?
Dans la première lecture, Ben Sirac le Sage nous montre que la
sagesse et la puissance de Dieu se déploient tout autant dans les merveilles
de la nature que dans l’histoire des hommes. Le Siracide s’est consacré dans son livre à démontrer comment toute la création chante la gloire de Dieu.
Dans l’extrait que nous venons d’entendre, Ben Sirac le Sage nous convie à
voir la main de Dieu dans le déroulement de l’histoire de l’homme et des
peuples. Son texte est une réponse à la question du sens. Qu’est ce qui
subsiste ? De tout le mouvement de l’histoire, que reste-t-il ? Qu’est ce qui
fait un peuple et le fait subsister ? Est-ce la renommée ? la puissance ? la
clairvoyance ? la gloire ? les prophéties ? les poésies ? la richesse ou
l’influence ? Ben Sirac le sage nous invite à dépasser ces valeurs humaines.
C’est aux yeux de l’homme qu’elles ont une portée. Il nous le précise : Ces
hommes riches et influents, ceux-là ont connu la gloire en leur temps et, de
leur vivant, ils ont été à l’honneur. Il y en a, parmi eux, qui ont laissé un nom ;
ainsi peut-on faire leur éloge. Il y en a d’autres dont le souvenir s’est perdu ;
ils sont morts, et c’est comme s’ils n’avaient jamais existé, c’est comme s’ils
n’étaient jamais nés. Ben Sirac le sage nous invite à tendre vers d’autres
valeurs, celles qui ne disparaissent pas, celles qui font « être » et « vivre »,
celles qui font un peuple et le font subsister. A partir d’une relecture de
l’histoire d’Israël, le Siracide nous ramène à l’essentiel à savoir pratiquer la
miséricorde et les oeuvres de justice, être fidèle au Seigneur et à l’Alliance,
« marcher à la suite du Seigneur », « ne pas se détourner du Seigneur »,
« faire ce qui plaît au Seigneur », « tourner son coeur vers le Seigneur »,
« suivre le droit chemin », « rester fidèle à l’espérance ».
Chers frères et soeurs, bien aimés du Seigneur, l’Eglise a été, de
tous les temps, objet de tribulations et de persécutions, en raison de son
essence, parfois à cause du péché de ses propres fils. Elle traverse
aujourd’hui des temps très difficiles partout dans le monde et
particulièrement en Occident. La parole de Ben Sirac le Sage est un appel
prophétique : revenons au Seigneur à l’instar de tant de pèlerins et de
figures marquantes comme Pierre de Kériolet. Ne nous détournons plus du
Seigneur et marchons à sa suite. Faisons ce qui plaît au Seigneur. C’est
dans la fidélité au Seigneur et à l’Alliance, c’est dans la pratique de la
miséricorde et des oeuvres de justice que nous subsisterons. Le salut est
dans la conversion et dans la fidélité à l’espérance.
Dans la même perspective, si Ben Sirac nous convie à faire l’éloge
des personnes glorieuses, nos ancêtres dans la foi, des figures de sainteté,
c’est pour nous inviter à imiter les modèles de sainteté. Nous n’irons pas si
loin pour faire le rapprochement entre notre pèlerinage, ce grand Pardon et
l’appel à la sainteté. En effet, dans son exhortation apostolique Gaudete et
exsultate sur l’appel à la sainteté dans le monde d’aujourd’hui, le pape
François fait un lien judicieux entre tout pèlerinage et l’appel à la sainteté.
Le Pape François nous invite à discerner notre chemin de sainteté. Parmi les
moyens qu’il nous propose pour parvenir à la sainteté, il y a justement la
fréquentation des sanctuaires à travers les pèlerinages. Certes, le sanctuaire, c’est la partie la plus sainte d’un édifice religieux, mais pour ce qui nous concerne aujourd’hui en ce lieu de Grand Pardon dédié à Sainte Anne, le sanctuaire, c’est toute cette terre sacrée où nous sommes rendus en pèlerinage « pour un motif particulier de piété ». Pour nous, ce sanctuaire
sous le patronage de Sainte Anne est un motif assez puissant et éloquent
pour nous permettre de toucher la présence de Dieu à travers l’intercession
de Sainte Anne, modèle de sainteté pour nos familles. Nous avons besoin de
toucher le mystère de la présence de Dieu, de le sentir présent, incorporé
non seulement dans la vie de Sainte Anne, notre modèle de sainteté, et des
saints qui nous ont précédés, mais aussi dans toute cette chaîne
ininterrompue de croyants qui se sont rendus en pèlerins dans ce sanctuaire
dédié à Sainte Anne et qui nous accueille aujourd’hui. Ce sont tous ceux et
celles et qui ont fait une expérience de conversion en se rendant ici dans ce
lieu de pèlerinage. Le déplacement jusqu'en ce lieu tout comme les
processions expriment notre désir de nous mettre en marche pour obtenir de
Sainte Anne qu’elle intercède pour les pèlerins que nous sommes, en offrant
nos fatigues du chemin parfois parcouru à pied, comme une pérégrination
vers le Royaume des cieux, en reconnaissant notre état de pécheur pour
obtenir le « pardon ». Oui, la sainteté passe aussi par les pieds et elle va de
nos pieds à nos coeurs pour irriguer l’ensemble de notre vie dans l’imitation
du Christ.
Au coeur de ce pèlerinage marial, nous avons apporté des
intentions que nous déposons aux pieds de Sainte Anne afin qu’elle
intercède pour nous. Au nombre de ces intentions, je voudrais mettre un
accent particulier sur l’importance pour nous pèlerins de savoir lire et
écouter la Parole de Dieu. En effet, la tradition catholique aime représenter
Sainte Anne faisant lire à son Enfant la Sainte Ecriture, comme pour
préparer le Coeur de Marie à accueillir en Elle la Parole devenue Chair, le
Verbe de Dieu ! Nous pouvons y voir, pour nous aussi, une pressante
invitation à accueillir cette Parole Vivante, à nous en nourrir le plus
fréquemment possible, à nous en imprégner pour en témoigner dans toutes
les réalités de notre humanité. Je voudrais alors simplement rappeler un
voeu cher au saint Pape Jean-Paul II sur la lecture assidue de la Parole de
Dieu : Que la Sainte Bible continue d’être un Trésor pour l’Eglise et pour tout
chrétien : nous trouverons dans l’étude attentive de la Parole la nourriture et
la force pour accomplir chaque jour notre mission. Prenons ce Livre entre nos mains ! Recevons-le de la part du Seigneur qui nous l’offre continuellement à travers Son Eglise (Apocalypse 10, 8). Mangeons-le (Apocalypse 10, 9) pour qu’il devienne la vie de notre vie. Goûtons-le à fond... car il est doux comme le
miel (Apocalypse 10, 9-10). (Jean-Paul II. Ecclesia in Europa du 28 juin 2003
n° 65).
Frères et soeurs en Christ, au cours de cette célébration
eucharistique, demandons au Seigneur, par l’intercession de Sainte Anne,
notre modèle de sainteté, d’aider nos familles humaines, nos communautés
sacerdotales et religieuses, à vivre une authentique écoute attentive et une
mise en pratique de la Parole de Dieu en Jésus Christ. Rappelons-nous alors
ces paroles fortes du Pape François dans son exhortation apostolique
Christus vivit aux jeunes et à tous les chrétiens : « Il y a une beauté
extraordinaire dans la communion de toute une famille à table, et dans le
pain partagé avec générosité, même si la table est très pauvre. Il y a de la
beauté chez l’épouse mal coiffée et un peu âgée qui reste à s’occuper de son mari malade, au-delà de ses forces et de sa propre santé » (Pape François, Christus vivit, § 183)
Nous allons nous séparer les uns des autres à la fin de cette
célébration eucharistique et des dévotions de clôture à ce Grand Pardon. Et
comme nous y invite saint Augustin, en nous séparant les uns des autres,
en nous éloignant les uns des autres, ne nous séparons pas de Lui ; ne nous
éloignons pas de Lui, c’est-à-dire Jésus-Christ.
Prions : Ô Sainte Anne, intercède pour nous afin que nos familles,
nos communautés sacerdotales, nos communautés religieuses et nos
communautés chrétiennes soient de vrais lieux d’écoute de la Parole de
Dieu, de prières, d’éducation, de rencontre authentique et de pardon et de
miséricorde dans la mesure où fondés sur la Parole de Dieu nous pouvons
nous asseoir ensemble, prier ensemble, manger ensemble et nous pardonner
mutuellement en Jésus le Christ, notre Seigneur vivant pour les siècles des
siècles. Amen.