Frères et sœurs, j’aurais envie de vous poser une question toute simple : qu’êtes-vous venus faire ici, à Keranna, dans cette église ? Vous avez sans doute projeté un réveillon en famille. Il aurait été raisonnable de rester au chaud et au sec à surveiller la cuisson de la dinde aux marrons. Et puis, il est grand temps de se partager les cadeaux. Les plus jeunes sont impatients de découvrir ce que leur a apporté le Père Noël. Alors qu’êtes-vous venus faire dans cette église ce soir ? La réponse m’a été faîte par un plus jeune : les cadeaux, la fête de famille, et même le partage, c’est bien, c’est important, et on est heureux de le vivre, mais ce serait sans saveur, s’il n’y avait pas ce moment de recueillement et de joie partagée à l’église. Car c’est sans doute cela notre secret ce soir, ce supplément d’âme qui fait que Noël est vraiment Noël, ce quelque chose en plus, c’est-à-dire la célébration de la naissance de Jésus.
Puisque nous sommes à Ste Anne, et que nous faisons mémoire de la naissance de Jésus, je vous invite à un peu d’imagination spirituelle. Certes, même si ce n’est pas écrit dans les évangiles, on se doute bien que lorsque Marie a annoncé à sa mère qu’elle attendait un enfant et que celui-ci venait de Dieu, elles ont toutes les deux crié leur joie. Marie devait avoir 16 / 17 ans. On avait son premier enfant très jeune en Palestine en ce temps-là. Alors, à n’en pas douter, Anne a accompagné sa fille avec Joseph à Bethléem, puisque celle-ci était sur le point d’accoucher. En ce temps-là il n’y avait pas de maternités, c’était les femmes plus âgées qui assistaient les plus jeunes, entre femmes. C’est pourquoi il est peut-être bon de regarder ces évènements avec les yeux de Ste Anne. Comme toutes les filles d’Israël, elle est pétrie de Bible, elle connaît par cœur et par le cœur toute la Bible. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière… » (Is 9,1). 17 siècles plus tard, c’est cette lumière que Ste Anne est venue apporter ici à Keranna. On comprend que l’évènement l’ait marqué ! « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ». Et bien avant l’apôtre Paul, elle pouvait dire et méditer : « Il s’est donné pour nous afin de nous sauver, de faire de nous son peuple… » (Tite 2,13). Et c’est toute la Bible qui lui revient en mémoire. Certes joie d’une grand-mère prenant son petit-fils dans ses bras, mais surtout joie d’une fille d’Israël qui contemple le Messie tant attendu, « Dieu qui se fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Mystère étonnant de l’Incarnation, mystère plein d’espérance car par l’Incarnation le mystère de notre Rédemption est en marche. Les théologiens, au concile d’Ephèse, ont reconnu en Marie la Théotokos, la Mère de Dieu, soyons heureux ce soir de reconnaître en Ste Anne « la Mère de la Mère de Dieu » et vivons avec elle ce moment de la Nativité du Seigneur. Cette nuit-là, Anne était heureuse d’accueillir son petit fils dans lequel elle reconnaissait le Messie de Dieu. Avec elle, que ce soit notre bonheur d’accueillir parmi nous celui qui vient de Dieu. Qu’il soit notre espérance et notre lumière au cœur de la nuit. Sachons partager cette joie, car c’est bien cela que nous sommes venus faire, ici à Keranna. Joyeux et saint Noël.
P. Gwenaël Maurey